mardi 26 août 2014

"à Ladakh!" Partie 2 : Star Trek

Du 6 au 10 août 2014

Leh-Lamayuru puis Lamayuru-Hinju (départ du trek) en voiture
Hinju-Chilling avec nos petits pieds (ben oui y'a pas de route ça se voit!)

L’Inde, une belle bouffée d’inquiétude quand l’agence est confuse sur les dates et nous fait craindre de ne partir en trek que le lendemain, décalant ainsi tout notre planning

L’Inde, une note manuscrite au bas d’un dossier pour nous donner raison, un coup de fil, une voiture, nous partons

L’Inde, cortège de camions de marchandises (bariolés) ou militaires (camouflés) sur une route bordée de montagnes sublimes et redoutables

L’Inde, la pension affiche complet mais l’adorable gérante nous trouve une chambre ailleurs, douche commune mais vue imprenable sur le monastère et les montagnes, nous gagnons au change

L’Inde, dans une petite pièce au fond du temple un moine psalmodie au rythme du gong, nous sommes peut-être en 1347

L’Inde, s’asseoir et attendre, qu’un vieux moine gravant une pierre nous parle en riant, qu’un groupe d’enfants moines rient en nous parlant

L’Inde, le soleil, le vent et les montagnes

Il n’y a pas de journée de transition, nous laissons là Leh et nos maux de tête pour rallier Lamayuru, son monastère filant vers le ciel et ses montagnes jaunes qui cavalcadent comme une gigantesque meringue au miel.

Tout près du monastère de Lamayuru 
Monastère de Lamayuru entouré de ses superbes montagnes

Il va sans dire que la route est magnifique mais, autant que les paysages, nous sommes frappés par la succession des bases militaires et la longue file des camions (tout aussi militaires), un coup d’œil à la carte vaut tous les discours : le Ladakh est cerné de frontières incertaines et de territoires contestés… Le Pakistan et la Chine sont des voisins chatouilleux et les belles vallées que nous traversons ont connu plusieurs guerres (1947, 1965, 1999 avec le Pakistan, 1962 avec la Chine), cependant le monde peut s’estimer heureux que ces trois puissances nucléaires soient capables de mieux se contrôler que les pays européens lors du siècle passé !


Un bon gros sac de nœuds...
On the road #1
On the road #2
Base militaire (oui c'est pas très visible mais on roulait)
Un camion militaire sur la droite (là ça se voit quand même)
 
On the road #3
Arrivée sur Lamayuru


Lamayuru ne porte pas trace de ce passé confus mais la nature est encore plus forte que la politique : si les maisons sont souvent en ruine ou en reconstruction (et vice versa), c’est que le ciel n’est pas toujours aussi clément que lors de notre passage et que les moyens sont limités pour bâtir de solides demeures… Une exception cependant : le monastère qui domine le village de sa masse tranquille et nous offre une escale délicieuse, nous nous plaisons à paresser sous les arcades et notre polaroïd fait merveille auprès des jeunes moines.


Vue depuis la terrasse de notre chambre
(on vous en parlait plus haut dans l'article si vous suivez bien!)
Lamayuru, ville quasi-déserte
Un petit air de Moyen-Age (sisi)
Lamayuru, ville pas-tout-à-fait-déserte
Lamayuru, ville pas-tout-à-fait-déserte (re)
Et là-haut là-haut le monastère 
Nouvelle posture de yoga
Quand un groupe de Coréens débarque dans le monastère,
le moine se fair assaillir par les objectifs!
 
Les fameux drapeaux
Les fameux rouleaux 
Les moinillons attendant leur photo 
Le polaroïd des moinillons, s'ils étaient pas mignons!

Mais quittons Lamayuru et revenons à ce qui nous intéresse dans cet article : le trek ! Ce trek, nous l’avons soigneusement préparé, nous en avons rêvé ces dernières semaines, nous en attendions beaucoup, il nous a offert plus encore...

Notre guide fut presqu’à l’heure et le soleil n’est pas encore très haut quand nous quittons Lamayuru, son monastère haut perché et ses étranges montagnes jaunes.

La route vers Hinju est superbe et nous arrivons sans encombre dans ce finistère qui marque la fin de la route accessible aux voitures (et le début de notre périple) : pour aller plus loin, il faut des pieds, des ânes, des provisions et un guide connaissant bien la région, cela tombe bien car nous avons tout ça !

Nous sommes invités à prendre le thé dans une maison ladakhie, la pièce principale est aussi la cuisine et le mur est entièrement colonisé par toutes sortes de récipients en métal, nous aurons à nouveau lors du trek l’occasion de vivre ces agréables moments de conviviali-thé avec les courageux habitants de lieux magnifiques mais exigeants.


Le premier thé d'une très très très longue série :)
La cuisine, avec une carte de l'Asie

La première journée de marche est courte mais les paysages nous mettent déjà du vent dans la tête, notre guide Tse-Wang (que nous appellerons So-An parce que nous n’avions pas bien compris) est très sympathique même si son anglais est rudimentaire, ses camarades cuisinier et muletier semblent de la même étoffe (quoique plus rugueuse), les cinq ânes (qui ont l’air têtus comme des mules) supportent valeureusement notre barda…


Hinju, point de départ du trek 
Nos ânes si mignons
Cédrybride 
Petits ânes suivant la route 
Petit Cédric suivant les ânes suivant la route

Nous campons dans le creux d’une vallée, sur un tapis de mousse hérité du petit fleuve coulant en contrebas. Affamés et commençant à sentir la piqûre du froid (vif dès que le soleil est passé derrière la montagne), nous accueillons avec plaisir le dîner pantagruélique servi sous la tente des guides. Les réchauds à gaz font leur office et nous somme vite réchauffés (comme quoi un réchaud ça porte bien son nom), la chorégraphie des casseroles et les discussions en ladakhi donnent un peu le tournis (à moins que l’altitude ne joue son rôle) mais l’ambiance bivouac est plaisante et les plats savoureux.


Premier campement, absolutely alone!
Yeahhhhhhhhhhh!!!!!!
Mmmmmmmmm
Notre campement en entier
(grande tente pour les repas et l'équipe)

Fait pas chaud quand même

Emmitouflés et enroulés dans nos chauds duvets (spécialement achetés pour l’occasion), nous passons une nuit tranquille, seulement « dérangés » par le doux grelot de quelques ânes passant à proximité de la tente.


Emmitouflage 
C'est pas parce qu'on ne peut pas se doucher
qu'on ne peut pas se couper les cuticules
Nuit sous la pleine lune

Réveil à la lumière du jour et au thé, le déjeuner est copieux, ce qui est une bonne chose car une longue journée de marche nous attend. Longue et sublime journée, nous quittons le camp avant les ânes et, après une entame relativement plane, nous nous hissons lentement mais régulièrement au sommet (4 950M), puis basculons dans la vallée suivante.


Vue depuis le col 
Récupération post-ascension

Les paysages sont littéralement à couper le souffle, ce qui n’était pas vraiment nécessaire tant ce dernier est court à l’issue de l’ascension. Nous prenons le temps de profiter d’une vue irréelle (qu’un arc-en-ciel circulaire rend encore plus inoubliable) puis poursuivons notre chemin, à ce moment je me demande si nous n’avons pas d’ores et déjà vu le plus beau mais chaque jour de ce trek me détrompera magnifiquement.


Arc-en-ciel solaire,
perso on n'avait jamais vu ça

Au creux de la vallée, un petit bouquet de maisons basse en terre cuite, c’est le campement d’été de quelques villageois qui profitent de la belle saison pour faire les provisions de lait, beurre et fromage qui leur permettront, si tout va bien, de passer l’hiver.


Campement d'été

Nous prenons le thé dans une de ces maisons qui se réduisent à une pièce, tout à la fois salon, cuisine, chambre et lieu pour barater le lait et ainsi en faire du beurre. L’accueil est merveilleux dans sa simplicité, notre hôte et nous sommes comme intimidés, il n’y a que nos guides qui appartiennent aux deux mondes et peuvent servir de trait d’union. Si les langues divergent et éteignent vite les échanges, il reste les images : universels sourires et regards, avec bonheur figés par un polaroïd. Emotion quand la femme du Ladakh range soigneusement dans son portefeuille l’image d’elle avec Amandine.




C’est déjà la troisième photo que nous laissons au cours de ce voyage et nous bénissons cette invention qui permet de graver ou même de créer des moments parmi les plus beaux de notre séjour.

Notons que nous n’avons à ce moment toujours pas croisé de touristes, c’est seulement le soir que nous en apercevrons deux, trop subrepticement pour que cela compte réellement cependant, nous n’en verrons plus d’autres jusqu’à la fin, la montagne est à nous et nous pouvons nous féliciter d’avoir fait le choix d’un trek hors des sentiers battus.

Pour atteindre notre village-étape du soir (3h45 de marche au total tout de même aujourd’hui, hors pauses bien sûr), il nous faut traverser des paysages de montagnes multicolores, ce qui n’est pas particulièrement désagréable il faut bien en convenir…

Tout comme n’est pas désagréable la sensation de fraîcheur après la douche : un seau et une écuelle qui suffisent à notre bonheur !


Bah c'est beau

C'est beau

C'est beau

Ca saute

C'est beau (si tout ça c'est pas de la légende de ouf…)

Ce n’est que le deuxième jour et déjà nos rituels se mettent en place, nous profitons des dernières minutes de chaleur pour dîner à l’extérieur, nous goûtons chaque plat sans pouvoir en finir un seul, c’est délicieux mais notre cuisinier doit nous trouver trop maigres ou bien il envisage pour nous une carrière de sumo tant il donne l’impression de vouloir nous engraisser ! 

Une douce nuit étoilée dans un air vierge de tous les bruits de la modernité…

Déjà le troisième jour et le sourire de Tse-Wang nous réveille quand il nous apporte le thé, nous déjeunons face aux montagnes puis visitons le temple du village ; un mani korlo, gros moulin à prière traditionnel du bouddhisme, est dédié à une touriste espagnole décédée lors des grandes inondations d'août 2010, étrange de penser que nous avons dormi il y a peu au bord d’un ruisseau, la roue tourne et le son de ses cloches se dissout dans l’air.


"wake-up" tea, face à la montagne
Village près duquel nous campons 
Monastère du village

Tse-Wang est originaire du village voisin (à un jour de marche tout de même) et comme il est connu tout le monde l’invite à prendre le thé, nous passerons par deux maisons avant de réellement commencer notre marche… Il est toujours aussi plaisant de pouvoir s’imprégner de l’atmosphère ladakhie mais si nous avons essayé hier la poudre blanche qui ressemble à de la levure de bière, nous ne pousserons pas le goût de l’aventure jusqu’à boire le thé au beurre, ça a quand même l’air trop violent, ce serait dommage de briser ce moment de partage en vomissant sur le tapis


Chez un villageois avec notre guide

Aujourd’hui la montagne a décidé d’être aubergine, grise et verte, hier elle était plutôt rouge et parfois jaune… Aucune monotonie dans les paysages, c’est à la fois vaste et à la mesure du regard, nous en voyons le bout sans en saisir vraiment la fin, nous sommes émerveillés.  
Et si le vent se lève quand nous posons notre campement, c’est peut-être pour nous souffler un peu plus… Penser que le mois d’août est la saison clémente, imaginer ce que doit être l’hiver, attendre que le coup de vent passe pour aller dîner et se coucher dans la tente abritée par une grosse pierre...


Hihi on est content

Notre tente abritée derrière un rocher,
le ciel est bleu mais la veille au soir c'était la presque tempête!

Dernier jour de marche, déjà ! Nous avions l’impression que les jours succèderaient aux jours et les vallées aux vallées jusqu’à on ne sait où… Cette dernière journée conclut en beauté le trek puisqu’après une heure d’ascension, nous profitons d’une vue à 360 degrés sur des montagnes de toutes les couleurs que les nuages jouent à rendre encore plus changeantes. Nous nous accordons une longue pause au sommet pour prolonger ce moment…




Repos au sommet

Contemplation au sommet



La descente dans la dernière vallée ne manque pas non plus de panache, nous croisons un beau troupeau de yaks, les parois se rapprochent à mesure que la gorge se creuse et à la fin de cette profonde gorge nous rejoignons Chilling, arrivée du trek


Et dernière descente du trek... 
Montagne aux couleurs magnifiques… et nos petits ânes! 

Dernier pique-nique 
Troupeau de yaks

Chilling étant accessible par la route, nous reprenons contact avec la civilisation, nous croisons à nouveau quelques touristes : il faut l’accepter, notre escapade hors du temps et de l’espace est finie.

Il nous reste un soir, Tse-Wang et ses camarades nous préparent un repas de fête conclu par un gâteau qui aurait pu rassasier toute une équipe de rugby…


Notre muletier-Cédric-notre guide-Amandine-notre cuisinier
Repas avec les 12 000 plats habituels
Et comme on n'avait pas assez mangé un superbe gâteau "WELCOME"
Truc de ouf:
notre guide a battu les œufs en neige à la fourchette pour faire la meringue!!!!!!

Il nous reste un matin, nous prenons le thé dans une maison de Chilling, un vieil homme est ravi du polaroïd que nous faisons de lui, il mange une pâte qu’il malaxe avec les doigts, nous sommes soulagés qu’il ne nous en propose pas ! Un dernier passage auprès d’un artisan dont la forge est entretenue au moyen d’un soufflet qui n’est autre qu’une panse de chèvre, nous lui achetons un filtre à thé en cuivre pour garder un souvenir du trek.


Dernier thé de la très très très longue série des thés du trek...
Le petit papi qui pose avec son polaroïd et son chapeau
qu'il a mis spécialement pour la photo
Artisan et soufflet-panse-de-chèvre

Car le trek est en train d’irrémédiablement basculer dans le camp des souvenirs : il n’est certes pas en mauvaise compagnie (nous avons eu de la chance avec nos précédents voyages) mais nous répugnons encore à le classer, même en bonne place, car cela nous obligera à accepter que c’est fini…

Et pourtant nous voilà déjà dans la voiture qui nous reconduit au point de départ, voilà déjà l’émouvant moment des adieux avec nos guides, nous sommes de retour dans notre guesthouse de Leh : prendre une douche (qui n’a rien de superflu), se reposer (pas inutile non plus) et penser à la suite du programme (plutôt très réjouissante). Car si nous parlons d’une fin, ce n’est pas encore celle du voyage : il nous reste trois jours pour encore aspirer quelques bouffées d’air du Ladakh et nous allons en profiter jusqu’au bout c’est promis !