lundi 18 février 2013

Bons baisers de Bombay

Du 3 au 8 février 2013


Mumbai - 12,5 millions d'habitants
Soyons francs : au départ nous n’attendions pas monts et merveilles de Bombay, c’était pour  nous une porte d’entrée commode pour l’Inde du Sud, comme cela l’avait été pour le roi George V lors de sa visite en 1911, témoin cet arc de triomphe :

Gateway of India
Nous n’avions pas l’intention d’ériger d’autres arcs de triomphe pour d’évidentes raisons mais aussi parce que nous n’attendions pas nécessairement de grandes victoires à Bombay… Je m’explique : nous gardons un souvenir pour le moins mitigé de notre passage à Delhi il y a 5 ans où foule agressive, bruit infernal et misère mal dissimulée formaient un cortège forcément un peu déplaisant. Or dans notre esprit Bombay était assimilée à une Delhi du Sud, d’où une certaine appréhension au moment d’atterrir sur le sol indien…

Beaucoup de visiteurs en Inde affirment que la première impression est olfactive, nous ne les contredirons pas puisque nous avons été frappés de retrouver dès la passerelle de débarquement l’indéfinissable odeur de l’Inde, inchangée 5 ans après. Restait à voir si dans l’intervalle nous avions tant changé que ce séjour en Inde ne nous laisserait pas les merveilleux souvenirs du premier… Pour paraphraser les affreux, l’Inde, c’est clair, tu l’aimes ou tu la quittes !

Pour ajouter une complication, nous inaugurons un nouveau mode de voyage puisque pour la première fois nous allons nous adonner au couchsurfing, littéralement surf sur canapé, pratique qui consiste à être hébergé par des habitants du pays et qui permet de partager un peu de leur quotidien.

Cet article est donc une première réponse à nos doutes, appréhensions, préjugés et espérances.

1.    Mayur et Priya, nos nouveaux amis indiens
Si le couchsurfing c’est être hébergé par des gens comme Mayur et Priya, dans 10 ans il n’y a plus d’hôtel dans le monde… Après avoir un peu tourné dans le quartier avec le taxi et demander notre chemin à des gens (hyper serviables : ils indiquent des directions même quand ils ne savent pas trop !), nous arrivons à près de minuit et sommes accueillis comme des amis et non comme des étrangers : une chambre nous est réservée et nous avons même une salle de bains pour nous seuls. 

Vue de la fenêtre de notre chambre!
Il est clair que Mayur et Priya font partie de l’Inde « moderne » vantée en occident et disposent d’un niveau d’éducation et de conditions de vie qu’une grande majorité de Français est en droit d’envier… Ils n’en sont pas moins de « vrais » indiens avec lesquels nous avons de passionnants échanges sur les perceptions mutuelles de l’Inde et de la France ou les us et coutumes de chaque pays, il faudrait consacrer une thèse à ces sujets et telle n’est pas la prétention de ce blog…

Poser des mots sur cette expérience nous donne l’impression de l’appauvrir : les petits déjeuners et les soirées en commun, la journée de visite avec Mayur qui avait pris un jour de congé pour nous faire découvrir (et parfois découvrir lui-même !) des parties méconnues de Bombay, les échanges sur le meilleur planning pour notre voyage en Inde, les récits de nos voyages respectifs… 

Cédric et Mayur lors de notre journée de visite. Mais que dit Cédric à Mayur??
Ce fut une fantastique expérience et nous avons quitté Priya et Mayur (ainsi que leur fille Anoushka) à regret, en nous promettant de nous voir quand ils viendront en France !

En souvenir de notre séjour avec Mayur et Priya
Sous de tels auspices, notre séjour à Bombay s’annonçait très bon, il fut mieux que ça puisqu’il nous a permis de reprendre contact avec l’Inde telle qu’on  en avait gardé le souvenir : enivrante dès le premier abord, exaspérante parfois, surprenante souvent, fascinante toujours.

2.    Retour en Inde, clichés, surprises et confirmations
Après l’odeur vient le bruit : en Inde le klaxon sert à tout, prévenir qu’on tourne ou pas, dire qu’on est content ou pas, montrer qu’on a une voiture, faire sursauter les piétons bref c’est un concert en tûûût majeur auquel nous sommes conviés dès que nous franchissons la porte de l’appartement de Mayur et Priya… Pour autant, la circulation nous semble moins frénétique que dans nos souvenirs d’Inde du Nord : hormis les klaxons et la tendance des indiens à changer de file sans prévenir, Paris n’a rien à envier à Bombay en ce qui concerne la circulation !

Autre souvenir, la bureaucratie indienne : il y a cinq ans, chaque démarche administrative était comparable à ce que vit Asterix dans la maison des fous (album « Les 12 travaux d’Asterix »)… Vous qui entrez dans une poste ou une mairie indienne, oubliez toute rationalité, d’autres forces sont à l’œuvre en ces lieux, il vous faudra les comprendre et les dompter pour espérer en sortir vivant. Illustration : nous attendons une lettre en poste restante (oui on est audacieux, Mayur ouvrait de grands yeux quand on lui a dit qu’on avait fait ça), donc nous nous rendons à la poste de Bombay pour la récupérer et là c’est le drame puisqu’après avoir visité plusieurs services et constaté (avec une pointe d’inquiétude) que le tri du courrier est encore largement manuel, on nous annonce que notre pli n’est pas arrivé… 
Affligés mais pas encore totalement abattus, nous nous faisons confirmer depuis la France (spéciale dédicace à Mathilde qui s’occupe de tous nos trucs pénibles !) que la lettre est bien en Inde puis retournons quelques jours plus tard au bureau de poste. Après avoir effectué exactement le même circuit que la première fois  et en insistant un peu, quelqu’un finit par nous sortir notre lettre d’un tas de courrier (au principe de classification totalement mystérieux) ! Un soupçon de mauvaise foi au passage : on nous dit que la première fois nous n’avions pas indiqué qu’il s’agissait d’une lettre recommandée, c’est faux mais pourquoi le relever ? Nous avons notre courrier, c’est tout ce qui compte… Précisons que tout ceci se passe dans la meilleure ambiance possible, tout le monde fait preuve de bonne volonté, inutile de s’énerver, tout ceci nous dépasse alors prenons le temps nécessaire pour que l’alignement des astres et la volonté des dieux permettent à notre lettre fragile d’émerger du magma du courrier de Bombay… 
Notre confiance dans la poste indienne restaurée par cette deuxième visite couronnée de succès, nous poussons l’audace jusqu’à envoyer un colis en France !... 6 kilos de souvenirs et choses dont nous n'avons finalement pas l'utilité, on se sentira plus léger! A ce jour, le colis n’est toujours pas arrivé… Affaire à suivre !

Ce que tu devrais recevoir Math!!
Autre souvenir : les vaches, il y en avait absolument partout dans le nord, elles se font plus discrètes à Bombay, il faut dire que le milieu urbain n’est pas le mieux adapté à leur physionomie… D’autant qu’elles trouvent moins facilement à manger puisque la saleté (autre cliché) est moins omniprésente à Bombay que dans le nord, nous n’avons pas eu à slalomer entre les déchets comme cela nous était parfois arrivé…

Souvenir à nouveau : les épices, pas de surprise à ce niveau, ça arrache grave… La seule chose qui nous rassure c’est que Priya nous dit qu’elle aussi trouve la nourriture parfois un peu trop épicée, ouf on se sent moins seul !

Premier thali, Cédric ne sait pas encore qu'il va suer à grosses gouttes!
Souvenir encore, la foule et les sollicitations : si l’enfer c’est les autres  c’est sûr que l’Inde ne sera jamais un paradis… Ils sont plus d’un milliard alors forcément en venant en Inde on prend le risque de se sentir un peu noyé, d’autant qu’en Inde du Nord la densité avait tendance à être encore plus forte sur les quelques mètres carrés autours de nos augustes personnes car nous étions souvent sollicités pour tout et n’importe quoi : si on avait acheté un objet à chaque marchand, il aurait fallu affréter un cargo pour ramener tout ça ! Sauf que là les gens sont certes nombreux mais nous ne nous sentons pas opprimés pour autant, nous sommes hélés comme peut l’être n’importe quel client potentiel (sans ciblage ou insistance particulière donc) et pouvons évoluer sans trop de difficultés.

Ça tombe bien, Bombay se révèle bien plus intéressante que ce qu’on envisageait…

3.    Si c’est Bombay comme ça…                            …Faudrait pas que ça change
Bombay, qu’il faudrait appeler Mumbai puisque la ville a changé de nom en 1998 (grosse tendance à la ré-indianisation des noms de villes lors des 20 dernières années), Mumbai donc a hérité de ses colons britanniques quelques bâtiments d’un fort beau gabarit :

Université de Mumbai
Prince of Wales Museum
Gare de Mumbai (Victoria Terminus)
Anecdote marrante : le bâtiment ci-dessous, le Taj Mahal Palace, a été bâti à la fin du XIXème siècle par Monsieur Jamshedji Nasarwanji Tata qui s’étant vu refuser l’accès à un hôtel au motif qu’il était indien a décidé de construire le plus bel hôtel de la ville… C’est ça la classe ! 

Taj Mahal Palace
A noter : Tata Group c'est aujourd'hui 98 filiales, 300.000 employés et 3,2% du PIB indien.

Ratan Tata possède à peine 1% du capital de Tata Group. Une part de 65% du groupe est détenue par des organismes caritatifs et des millions de dollars sont reversés chaque année à des œuvres de bienfaisance… Du coup Mayur nous disait que Tata est une entreprise très respectée en Inde.

En plus de son passé grand breton, Mumbai est une vraie ville indienne où l'on peut trouver:

- Des plages, ci-dessous la fameuse Chowpatty Beach:.

 

- Des bateaux:

Près de Gateway of India
Près de Haji Ali
- Une mosquée:
Mosquée Haji Ali
- Des marchés de fruits et légumes:

Crawford Market
On dirait que c'est la saison des ananas!
- Des marchés d'antiquités:


- Des matchs de cricket:


- Un lavoir géant où sont lavées chaque jour des tonnes de linge, à la main et seulement par des hommes!:

Dobi Ghat
Dobi Ghat
 - Un quartier sans voiture donc sans klaxon!:


Mumbai abrite aussi un très impressionnant musée dédié à Gandhi, non pas que le bâtiment soit colossal ou les collections étincelantes mais nous sommes dans une maison dans laquelle la Mahatma a vécu plusieurs années et des fragments de sa vie (lettres, objets, photos notamment) sont présentés en toute simplicité, et cela suffit à créer une émotion assez forte… 

La chambre de Gandhi
Lire la correspondance de Gandhi et Tolstoï donne le sentiment d’être convié à la table de deux géants tandis que lire la lettre de Gandhi à Hitler en 1939 l’appelant mon frère et lui demandant de renoncer à la guerre donne l’impression de voir la sagesse s’adresser à la folie avec l’innocence d’un enfant.

Mais au-delà d’un patrimoine qui mériterait d’être mieux connu, Mumbai est une parfaite illustration de l’Inde et de ses contrastes : des centres commerciaux ou des immeubles d’affaires clinquants côtoient la plus extrême pauvreté, sur la route on croise des charriots tirés par des vaches à côté de Mercedes, une scène artistique dynamique émerge tandis que les films kitchissimes de Bollywood continuent de faire salles combles… Bref c’est fou, c’est normal, c’est l’Inde…

Kala Ghoda Festival
Kala Ghoda Festival
Kala Ghoda Festival
Kala Ghoda Festival
Wall project

En conclusion, Bombay a été une superbe porte d’entrée sur l’Inde, la grande aventure commence maintenant !

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